vendredi 24 juin 2016

Du ravin béni-safien au gros caillou lyonnais

DEMAIN TU PARS EN FRANCE - Du ravin béni-safien au gros caillou lyonnais  – décembre 2011
Claude Diaz
Édit. L’Harmattan
Graveurs de Mémoire
TÉMOIGNAGE, AUTOBIOGRAPHIE, RÉCIT
MÉDITERRANÉE Algérie France 
 « Du fond de ma mémoire, une première vie jaillit semblable à une chanson douce que maman fredonnait lorsqu'elle me berçait dans son rocking-chair au trente-trois de la rue Clauzel, à Béni-Saf, Là, au premier étage d'un petit bâtiment coquet et cosmopolite, résonnèrent mes premiers cris. Une première vie venait d'éclore sur le long et sinueux chemin de la vie, dans   une petite ville lovée sur les versants d'une saignée du littoral algérien. » (L’auteur)
L'ouvrage revisite en filigrane la guerre d'Algérie, l'exode et la fulgurante et douloureuse installation des Pieds Noirs en métropole, après l'indépendance de l'Algérie, à travers le regard d'un enfant et son parcours sur les deux rives de la Méditerranée. Un témoignage d'une époque révolue, un pont entre communautés.

L’Album de Béni-Saf

L’Album de Béni-Saf – novembre 1988
Association des Béni-Safiens (France)
Imprimerie La Publigraphie – Paris XIIIème
Album édité par l’Association des Béni-Safiens.

Des photographies, des témoignages, des documents historiques sont regroupés dans cet album par thèmes pour évoquer l’Histoire de Béni-Saf, le tout sous la conduite et la sagesse de madame Marie Yvañès - Gonzalez, Présidente de l’Association.

Béni-Saf, c'est pour toi que j'écris …

"Béni Saf c'est pour toi que j'écris"… novembre 2009
Vincent Botella
Vasariah édit.
Sous le soleil de Béni-Saf, souvenirs de notre village pittoresques et émouvants dans un livre à transmettre aux générations qui n'ont pas connu le Béni-Saf d'autrefois. Vincent raconte les lieux, les personnages familiers, et accompagne ses écrits des tableaux qu'il a peints. Le récit "Le retour au pays" raconte le voyage du retour de 2005. 
Vincent Botella raconte son village… Béni-Saf… l’enfance, les lieux, les personnages hauts en couleur, le quotidien entre le port, la mine, la limonaderie, l’escalier, les balades et les baignades, Rashgoun… rien ne manque au tableau… Avec les portraits écrits de ce qui a fait notre vie au pays, Vincent transmet aussi ses souvenirs par des tableaux qui accompagnent les textes : le retour de pêche, la terrasse de l’usine Fouché, la plage du Puits, le marché, le cimetière où sont restés les êtres chers… suivi de Le retour au pays, récit du voyage de retour en septembre 2005.

L’escalier de Béni-Saf

L’ESCALIER DE BENI-SAF – 27 avril 1988
HENRIETTE GEORGES
Éd. Robert Laffont
Béni-Saf, c'est un port de la côte algérienne, à mi-chemin d'Oran et de la frontière marocaine. Du port au cœur de la petite ville, là-haut sur sa colline, un immense escalier Au long de cette échelle qui semble mener au ciel, des maisons. Pleines de femmes, d'hommes, d'enfants. Ils sont arabes et musulmans, européens et catholiques, juifs. Ils vivent ensemble, dans les gestes de la vie quotidienne, dans leurs fêtes et leurs coutumes respectives, dans le respect de la singularité de chacun. Dans la paix. C'était avant...
Ce temps du bonheur, Henriette Georges, petite fille, adolescente, jeune fille, l'a connu. La maison de ses parents s'ouvrait sur l'escalier de Béni-Saf, dans le soleil algérien, dans les parfums mêlés du jasmin et des orangers. Elle était pauvre - mais qui ne l'était pas dans ce petit monde d'artisans, de commerçants, de pécheurs? - et riche de tout ce qu'elle savait voir et ressentir de cet univers à la fois si complexe et si simple. Aujourd'hui, elle se souvient, elle revit "l'escalier de Béni-Saf", avec des impressions si fraîches, des mots si justes que c'en est déchirant.
De l'aube à la nuit, ce livre n'est que la chronique d'un jour. Mais tout le passé de l'Algérie la traverse pour lui donner une dimension épique : Béni-Saf et son escalier chargé des hommes et des femmes des trois confessions qui ont fait l'histoire du monde méditerranéen prennent ici figure de symbole.
Ce livre du cœur est un acte d'amour …
Biographie de l’auteur : 
Henriette Georges, L’Escalier de Béni-Saf, Éditions Robert Laffont, S.A. Paris, 1988
Henriette Georges est née à Misserghin en Algérie. Enseignante, elle a exercé en Algérie, au Maroc et en France, notamment en Creuse, dans le Berry et à Orléans, où elle a terminé son premier ouvrage L'escalier de Béni-Saf.
Ce livre n'existe presque plus même sur les rayons d'occasion. Édité en1988, il fut rapidement épuisé.

Un livre mémoire unique en son genre.

La petite mer

La Petite mer – 1982
Historien. Saint-cyrien. 
Éd. Astrid
« Ce livre fait œuvre de transmission de mémoire
L’auteur qui n'est plus de ce monde nous fait voyager dans ce pays perdu, on vit exactement l'ambiance du temps passé …
Je l'avais prêté et bien sûr perdu. Depuis même Amazon n’a pu le retrouver. Ce livre que j'ai perdu m'avait été offert par un ami … »
Le passé restera le passé
à travers ce livre historique j’ai cherché des paysages qui n’existent plus, le passé restera le passé… Bélisad (Béni-Saf) n’existe que par des images de la nostalgie… Je salue l’auteur de cet ouvrage qui a retracé une partie importante de la fin de la colonisation dans cette petite ville de la méditerranée...

Le littoral de l'Oranie occidentale – 1974

Le littoral de l’Oranie occidentale – 1974
P. J. Lethielleux
Centre de documentation économique et sociale d’Oran.
Le Père P.J. Lethielleux, curé de la paroisse de Béni-Saf, déjà connu pour sa contribution à l’écriture de l’histoire de la ville de Laghouat, a écrit sur le littoral de l’Oranie occidentale en 1974 sous l’égide du centre de documentation économique et sociale d’Oran ...
Ouvrage d'études, de recherches sur la région de l'Oranie Occidentale qui s'étend d’Ain-Temouchent jusqu'à la frontière marocaine écrit en 1974. Il se compose de deux parties.
Des escales phéniciennes à l'occupation des Vandales, puis des Byzantins (1ère Partie)
De l'introduction de l'Islam à la colonisation française (2ème Partie)
« Le commencement du 20e siècle vit disparaître les marécages de l'embouchure de la Tafna lors de la mise en valeur des terres de sa vallée. La belle plage du Puits de Béni-Saf (4) date seulement de cette époque : la jetée du port, en coupant un courant marin, fit se déposer là les alluvions lancées à la mer par la Tafna. » (L’auteur) 
L’abbé Alfred Bérenguer (1915-1996) passionné d’histoire de l’Algérie connaissait parfaitement les sites de l’époque romaine, situés dans la commune de Béni-Saf et dont il découvrit pour la première fois les traces qu’il fit découvrir dans un article, par lui publié, en 1952, dans la revue les «Amis du vieux Tlemcen». 

Ce travail de la mémoire et du passé le fera réagir, un jour, contre des fouilles archéologiques réalisés clandestinement et profitant au professeur Pierre Salama de l’université d’Alger, dont il présenta les découvertes lors d’un congrès sur le «Limès», organisé à Lausanne, en 1972.

Que reste t-il de Béni-Saf ?


Je voudrais rendre hommage et adresser un tribut de reconnaissance aux auteurs, historiens, journalistes et autres chroniqueurs qui ont facilité le travail de mémoire sur l’histoire de cette cité, jadis, capitale algérienne du fer et de la pêche.

On ne peut nier que c’est grâce à leur travail de recherches et de mémorialistes, qu’ils nous ont restitué l’histoire de ce pittoresque Béni-Saf, sorti d’une obscurité qui l’entourait de toutes parts, qui la voue à l’ignorance de ceux qui n’avait pas eu le bonheur de naître sur ce coin de terre alors que cette histoire n’était écrite nulle part et qu’il fallait, pour en retrouver quelques fragments, fouiller soit dans la mémoire et le souvenir et les traditions ou dans des documents écrits conservés jalousement par des béni-safiens et des béni-safiennes de souche et de raison.

Aussi, c’est par eux que nous avons appris l’histoire de cette partie de l’Algérie antique et islamique et du temps douloureux de la colonie.

Nous gardons tous dans le cœur un souvenir vivant, n'est-ce pas?

-oOo-



La Rue de la Révolution


La Rue de la Révolution, ex. rue Clauzel, nous passions, de temps à autre : descendre au marché par les escaliers de la mosquée Cadi Ayyad, première mosquée construite à Béni-Saf, en 1929, après celle de Ghar El Baroud ou pour continuer jusqu’au bout et retrouver la rue de la République, attiré par l’odeur du pain frais et chaud de la boulangerie Requéna. Une odeur qui donnait une joie de vivre …
Dans cette rue, il y avait un bonhomme qui, selon les dires des gens, n’aurait jamais travaillé ou ne travaillait pas beaucoup, constamment fatigué et même sans travailler, il se disait toujours l’être, selon toujours la même rumeur … 
Dans cette rue, le Hammam (bain maure) El Gazouli, coté haut, et beaucoup de maisons semblables et certaines fois, accroché à quelque fenêtre, un panier de basket Ball.

En descendant par les escaliers de la mosquée, nous reprenons la rue Kadri Kaddour et sur le côté droit des magasins, peut être un café, le bain maure El-Gazouli, coté bas, à sa partie basse, l’ancienne bourrellerie de Martin, qui est resté aussi bien après l’indépendance, qui se transforme en banque, le crédit populaire d’ Algérie (cpa) . De part et d’autres, des escaliers qui montent jusqu’à Sidi Boucif ou qui descendent au marché … plus loin, Sidi Ikhlef Abdelkader, commerçant de Tissus et plus bas suivait l’ancienne boulangerie Granado puis l’immeuble des Ruffié prononcé Riffi, dont le rez-de-chaussée face à la Poste servait de station des cars. M. Ghaouti Bekhchi, le propriétaire du Cinéma Lux, avait son cabinet dentaire dans cet immeuble. On dit même que l’immeuble lui appartenait.
Texte inspiré du récit de M. Paul Giudici Je me souviens … Béni-Saf, France, 2003

Béni-Saf sur mer


à partir de la prestigieuse école des mousses, en son temps, qui a fourni à la pêche les meilleurs marins, sous la houlette de M. Dragutin, et la pêcherie, anciens bureaux de l’Office Algérien des Pêches, ou si vous préférez de l’OAP, juste après les docks silos, commence ma promenade sur ce beau boulevard de la Plage du Puits, bordée de palmiers et de belles villas et demeures, autrefois, idylliques, l’une après l’autre, séparées , à intervalles, par des petit passages, des abris précieux aussi, je n’en dis pas plus … Il y avait même un ou deux cafés terrasses ombragées, directement sur le sable, très fréquentées, qui animaient la plage : c’était le rendez-vous de la jeunesse de l’époque.
La Plage du Puits, débute, ainsi, à l’est, soutenue par le port et se terminait à l’ouest en se heurtant au flanc du promontoire de Sidi Mohamed au sommet duquel est perché le fameux Hôtel Siga, qui a fait couler beaucoup d’encre, à une certaine époque. En dessous, l’aquarium, un mémorial de la biologie marine, au temps où on s’en occupait, plus maintenant, gardée dans l’eau, par deux rochers, de renommée bénisafienne, le crapaud et le chameau, qui tirent leur nom de leur aspect semblable à ces bêtes.
Au milieu de la plage, la Tour, une structure cylindrique, comme son nom l’indique, disparue, aujourd’hui, par la montée des eaux, à proximité de laquelle était installée une grande esplanade à l’occasion des fêtes du 15 août ou fêtes des plages.
La Tour de la Plage
Déserte un bon bout de temps, la plage se métamorphosait, comme par un coup de baguette magique, en un lieu féérique … à cette occasion, un soin particulier est apportée au pavoisement de la ville et à sa décoration.

De la kermesse et du légendaire mât de cocagne[1], des jeux en tous genres, en passant par le cyclisme, les forains, des réjouissances qui ne se terminaient pas sans des soirées de galas musicaux animés par de grands ténors de la chanson algérienne et marocaine, sans oublier les Caïmans, un groupe formée par les frères Baba Ahmed de Tlemcen, Rachid et Fethi, les Studients, aussi se sont remarqués par leur mélodie et les remix des chansons de l’époque qui impressionnaient la jeunesse branchée à la pop music des belles années 70 et faisaient danser la people’s beat de ce temps-là. Les cérémonies duraient presqu’une semaine jusqu’à l’arrivée des vendanges.
En survolant, à travers, ma balade, l’environnement dans lequel nous avons vécu et nous vivons encore, avec, souvent moins de bonheur, ma mémoire n’est pas sans faille, beaucoup de ces images décrites, sous forme de répertoire et de répétition lassantes datent de la période post indépendance, elles peuvent être imprécises ou incomplètes.
Ne m’en tenez pas rigueur et excusez-moi de tout oubli. J’ai dû faire appel aussi à mes aînés qui ont pu se rappeler difficilement de certains souvenirs qui reflètent ce qui leur reste en esprit. J’ai tenu aussi à ne pas citer les noms de personnages, repères de cette ville, vivant encore ou qui ne sont plus de ce bas monde, qui ont beaucoup fait pour cette ville.
Texte inspiré du récit de M. Paul Giudici Je me souviens … Béni-Saf, France, 2003
Ecrit le 25 décembre 2015 20:20




[1] Le mât de cocagne est un jeu traditionnel populaire qui consiste à grimper en haut d'un poteau pour attraper un ou plusieurs des objets qui y sont suspendus.

Retour aux sources



Du haut de la Canterra, une vue splendide sur la mer puis nous apercevions le village Molina et face au garage Navarro, les vestiges de l’ancien stade de football, qui n’existe plus, tracé perpendiculairement à la route qui mène au Plan Deux, et un petit bâtiment, les vestiaires, sur lequel il était écrit les initiales du club, se sont effacés du décor pour laisser voir d’autres maisons et bâtiments particuliers. C’est dans ce stade que le Club Sportif Beni- Safien a évolué et jouait les matchs officiels et officieux ou d’entrainement, lorsque nous étions gamins, nous y jouions souvent.
En face, c’est le boulevard Kadri Kaddour qui se prolonge jusqu’à la route d’El Ançor, par où pénètre les automobilistes venant du Plan Deux, du quartier du filtre ou même d’Oran ou de Ain-Temouchent, c’est pour ça que le boulevard avant sa baptisation était appelé la route de Temouchent, en passant sous un pont minier qui soutenait les rails du petit train à wagonnets de la mine pour déplacer le minerai jusqu’au port. 
Après le pont, un escalier qui monte vers les HLM, où nous avions habité avec les parents depuis 1966, Sidi El Mekhfi, la mosquée, l’ex Eglise, la brigade de la gendarmerie, les écoles, le quartier du «Filtre [1]». Les anciens de ce quartier se souviennent, certainement, des courses des «roulifates», il s’agit, en fait d’une petite carriole composée d’une planche en bois où sont fixés deux roulements à billes aux extrémités arrières et une espèce d’essieu fait d’une petite planchette transversale équipée d’un gros roulement à billes au centre. Ces courses se déroulaient généralement en équipes de deux et plus. Qui arrive le premier, le héros, l’audacieux, des courses mémorables mais souvent dangereuses quand l’un des concurrents est renversé.
Encore un souvenir d’enfance, la fouille de la décharge, elmazbala, en arabe devenue par déformation phonétique ezzoubia, à la recherche de quelques objets utiles enfouis, vieux vélos pour arracher les cerceaux et en faire un objet roulant non identifié (ORNI) et les faire glisser à l’aide d’un gros fil de fer , sans les faire tomber sur le bord de la route, des trottoirs, en tentant des tracés plus compliqués …
Je suis toujours au quartier du Match, on l’appelait comme ça, à cause de sa proximité du stade, mais dans le boulevard Kadri Kaddour, après le pont, le premier immeuble, un bâtiment avec un étage qui a servi de caserne des pompiers, à l’origine un ancien garage de mécanique générale appartenant à Navarro qui a donné, jusqu'à une certaine date, son nom à la rue qui descend au marché hebdomadaire, le souk, par la cité Mimouni Lahcène, ex Village Molina.
En traversant la Cité Mimouni Lahcène, beaucoup de nouvelles maisons jusqu’à la pente goudronnée qui nous dirige au Village Carton, moi, j’ai toujours pensé que c’était Carteaux [2], mais je reste sceptique à toutes les suppositions jusque-là avancées mais non motivées.
Texte inspiré du récit de M. Paul Giudici Je me souviens … Béni-Saf, France, 2003
En voici une photo de ce quartier en 1910…



Ecrit le 24 décembre 2015 20:33


[1] Quartier du filtre : c’est là où se trouvent les installations de filtrage des eaux des châteaux d’eau potable alimentant la ville.

[2] Jean-François Carteaux (1751 – 1813), général français.

Balade dans les rues de Béni-Saf

Poursuivant ma balade, je redescends le boulevard Mohammed Larbi Ben M’Hidi, sous un ciel d'azur et le soleil du matin, il ne fait pas très chaud, mais c'est mon élément préféré pour entamer cette journée après une belle nuit de sommeil. Il est donc à peine 7 heures 30 minutes et je savoure déjà la clémence de ce moment, à la fois, beau et fort apaisant.
À l’entrée de la ville, la mosquée baptisée au nom de de l'honorable et l’illustre homme, resté fidèle au serment prêté au Prophète, Ubâda Ibn As-Sâmit, l’ex. Eglise Sainte Barbe, élevée en1880, qui portait encore les marques de la présence française dans notre pays jusqu’à sa reconversion, puis deux voies, l’une descendant vers l’ancienne cave Vincent, où est construit actuellement le nouveau siège de la mairie, dans un virage, donnant sur le boulevard Kadri Kaddour, ex. Jean Jaurès ou la rue de Témouchent. À gauche, la route d’Ançor et la forêt dite la Jungle. C’est là, qu’enfants, nous allions jouer ou nous promener les dimanches en famille.
La deuxième voie passe par le Boulevard Mohamed Larbi Ben M’Hidi, ex. Boulevard Alphonse Parran, où j’habite, jusqu’à Sidi Boucif, le Petit Stade Tabtab Bounouar, où l’écho et la mélodie du roi de la trompette, Messaoud Bellemou, plane et résonne encore dans mes oreilles, du temps des gloires de la prestigieuse JPBS, et à droite la Rue de la République qui descend.
Je retourne à la rue de la République, pour saluer des amis puis dévale la rue en jetant un regard triste sur la façade du cinéma Rex et sur toutes ces belles vitrines fermées ou emmurées en arrivant au comble du comble, le devenir de nos petits hôtels, en me posant un tas de questions jusqu’ à ce que j’arrive à la rue de la Mairie, à droite de la stèle du soldat inconnu, ou plutôt ce qui reste du monument, comme il plait aux béni-safiens de l’appeler, qui n’existe plus; puis je passe devant ce qui fut un temps le kiosque à essence et je tourne par la rue de la Paix . À l’angle, l’Hôtel Robert, en plein travaux.
Là, j’avais le choix entre la Place du marché et son jardinet qu’on appelait le jet d’eau, avec des bancs en granito. Derrière le marché couvert, devenu un centre commercial entre guillemets, qui a perdu sa vocation depuis la mode des Souk-el-fellah, un marché hebdomadaire, qui n’en est plus un, devenu avec le temps un marché quotidien.
Je m’arrête un peu et je continue en empruntant la rue de la marine, en fait, c’est la continuité du Boulevard Kadri Kaddour et me dirige vers le Port, par l’allée du jardin de glacis de la mairie, au bout duquel dominait la Mairie, aussi majestueuse, mais abandonnée, accessible par un long escalier tout droit et d’autres petites accès en courbes, un jardin, véritable réserve florale, en son temps, une carte postale, vendue dans les kiosques, mais qui a, lui aussi, par la stupidité des hommes, perdu son charme que dis-je ? - sa vocation … Enfants, en passant sur cette allée, nous courions pour arriver vite à la Plage du Puits. Que de souvenirs !
Je jette un coup d’œil sur la glacière, rongée par la rouille, qui fabriquait, naguère, de la glace, en longues barres, destinée spécialement à conserver le poisson après l’avoir broyée pour être disséminée dans les corbeilles, les guerbillos, ou les casiers en bois, pleins de poissons mais que certains ménages utilisaient aussi en barre pour conserver les aliments corruptibles , ou rafraîchir les boissons…
À cette époque, certaines familles avaient, dans leurs maisons, un petit meuble en bois, tapissé à l’intérieur de zinc, destiné à conserver au frais toute la nourriture périssable, un présage du frigidaire actuel. Pour les plus pauvres, à défaut de glacière, la barre de glace était plongée dans une grande bassine d’eau, la caldera (qui veut dire chaudière parce que ce récipient en tôle galvanisée servait aussi à chauffer l’eau) où ils mettaient surtout les boissons, ou les fruits …etc.
Je me réveille de mes illusions et devant moi, je vois un autre paysage, aussi désolant, les installations minières abandonnées, les ateliers et les bureaux de la mine qui se répandaient jusqu’au port.
Je fais un tour au petit port, l’âme de Béni-Saf, dans un silence imposant car presque vide et désert, mais qui raconte toutes ces années passées, ces marins, remailleurs, patrons, raïs et mousses dont beaucoup ne sont plus de ce monde. Un port dont l’histoire se mêle, plus ou moins, à celle de la mer méditerranée, la mer blanche, riche d’une histoire complexe et ancienne et à la réputation d'une ville importante dans un passé récent.
Se promener sur les quais est une coutume qui tend à se perdre tant la vie dans cette contrée tourne au ralenti en ce moment …
Le soleil darde , depuis un moment, ses premiers rayons sur l’embarcadère où dodelinent les bateaux et embarcations de toutes sortes, évacués au petit matin, par des marins, certainement fatigués, rentrés chez eux ,en ce moment, pour se reposer et reprendre le rituel, le soir venu.
Mon esprit s’éloigne dans le calme et la solitude.
Je continue ma promenade, là des rochers empilés en brise-lames sur lesquels se tiennent des pêcheurs, à la ligne, d’autres passionnés de la mer, que j’ai toujours enviés.
Là-bas, des chalutiers, des lamparos, avec leurs lampes qui marchaient autrefois au carbure, actuellement ce sont des ampoules sur batteries, je crois. 
En face, la halle en bordure de quai où, chaque après-midi, les chalutiers exposaient les produits de leur pêche, du poisson noble à la moraille, qui est dirigé sur plusieurs destinations.
Dans le port de Béni-Saf, il y avait des marins, pour reprendre Brel dans sa belle chanson, dans le port d’Amsterdam, des marins qui rêvent, qui dorment, qui meurent, des marins qui naissent, qui rient, avec de grosses mains, qui ont le regard fixé, des marins qui buvaient à la santé des autres … Oui, Mesdames, Messieurs, ce sont ces gens-là qui ont perpétué l’existence de notre ville. Mais là, je me perds.
Là, il y avait une rue qui passait devant des hangars, une autre qui menait vers les quais plus vastes qu’aujourd‘hui, où accostaient les chalutiers, les bateaux et même des petits cargos. à l’entrée du port, la « draga » ou la drague, gros navire métallique qui raclait les fonds sablonneux pour stabiliser le plan d’eau …
À l’intérieur, se dressait, en position verticale, il n’y a pas longtemps encore, un équipement mécanique appelé le chargeur ou le «Cargaor», en espagnol, constitué d’un long bras métallique qui ressemble étonnamment à une réplique de la Tour Eiffel, resté inactif après l’épuisement des gisements de fer. À l’origine, il servait à descendre jusqu’à l’horizontale pour atteindre et remplir les cales des cargos, au moyen d’un tapis roulant qui reçoit le minerai dans une trémie, remplie par des wagonnets qu’une voie ferrée ramenait jusqu’au chargeur en enjambant un pont minier qui, pendant longtemps, portait quelques anciens wagons témoignait de l’histoire minière de la Ville.
J’en ai des images, des photos de Jean Geiser ou Malbert et même des cartes postales de la SNED, qui étaient vendues à Oran, la rue d’Arzew , aux arcades, ou la Rue de Tlemcen, chez Bakhti Images.
Cet univers du port me rappelle autant l’industrie de la pêche, pratiquement disparu de nos jours, qui occupait une place privilégiée dans l'économie de la ville : plusieurs magasins de salaison d’anchois, qui ne sont plus là, avaient nourri des familles entières, les usines de conserve de sardines à l’huile, «La Dauphine» ou «Papa Falcone», la plus ancienne conserverie étant celle de Fouché, dont je ne me rappelle pas.
En sortant du port, en face, enfants ou jeunes, un marchand ambulant nous vendait les figues de barbarie, les délicieux tchoumbos, en espagnol, aussi, plus il épluchait et plus on en mangeait le fruit succulent, c’était surtout en remontant de la Plage du Puits mais après, je ne vous dis pas.
J’ai le choix entre passer par la rue de l’abattoir, prolongée par une corniche menant à la plage de Sidi-Boucif ou aller à la Plage du puits par l’école des mousses et les Docks, la coopérative de blés, pour admirer le boulevard , bordée de palmiers et, tout au long, de maisons et les belles villas , ou ce qui en reste, dont certaines étaient des résidences officielles, celles du Wali et du Chef de Daïra et d’autres dignitaires, elles donnaient toutes sur la plage au sable fin.
Texte inspiré du récit de M. Paul Giudici Je me souviens … Béni-Saf, France, 2003

Ecrit le 26 déc. 2015 11:15

Balade dans les rues de Béni-Saf


En arrivant de Tlemcen par le car, passant par Hennaya, Ain-Youcef et Remchi et en pénétrant par une route zigzagante, du haut du domaine agricole d’El Bradj, jusqu’au panneau qui indique l’entrée de la ville nous amorçons une descente qui nous mène à la plage du Puits puis au port et, le regard du voyageur se porte déjà sur cette forme qu’a prise la ville, résultat d’une loi architecturale, à la fois volontariste et spontanée, dont le plan adopté devait ressembler, à peine, à celui d’une petite ville minière du nord de la France ou village balnéaire de la Costa Brava, je pense à Lloret de Mar.
Puis le terminus à la place du marché-couvert, sur lequel trônait un couple de cigognes, au cœur de la ville, longée par la rue Kadri Kaddour, ex. Jean Jaurès, qui remonte jusqu’à la partie haute de la ville. Lorsque les cigognes survolaient la ville, c’était déjà le printemps avec le retour des hirondelles, ces oiseaux migrateurs qui installaient leurs nids près des habitations et sur les toits. Ils symbolisaient traditionnellement l'arrivée de cette belle saison.
Sur le côté, le bureau des cars Ruffié compagnie de transports connue, ou TRCFA, qui brillaient par leur professionnalisme avéré, toute une époque révolue, aujourd’hui, avec la vague des nouveaux moyens de transport, l’entrée du car avait une allure de fête à l'arrivée des passagers venant d'Oran, de Tlemcen et des villages avoisinant. En face se trouvait la Poste, une belle bâtisse mitoyenne au jardin public, garni de magnifiques massifs fleuris, qui faisait l’admiration de la ville et, en se baladant dans les environs, les cafés maures sentaient le thé et le café fort et parfumé.
Toutes les rues, en demi-cercles, bordées des deux côtés de bigaradiers, une espèce d'arbres qui porte un fruit, la bigarade ou l’orange de Séville, ou de ficus, arbres d'origine tropicale, se relient entre elles par des longs escaliers. 
De la place du Marché, nous pouvons admirer ce qui faisait la fierté touristique de notre pauvre ville, les hôtels et les restaurants, le Robert ou en remontant la rue de la Paix, le Grand Hôtel ou le Nautic bar et le Jeanne d’Arc pour se retrouver en face du monument aux morts ou la stèle du soldat inconnu érigé à la mémoire des combattants de la guerre 14/18 « Mort pour la France » dont, certainement, des algériens ... Je vous parle d’un temps où seuls les gens d’un certain âge pourront connaitre et comprendre.
Puis, généralement, nous grimpons les escaliers Karl Marx et finissons à la rue de la République, nos Champs Elysées, cela correspondait aux balades interminables où les jeunes et moins jeunes arpentaient, tous les soirs, ou plus exactement faisaient le boulevard. C’était la rue principale où des deux côtés, s’y trouvaient des magasins, des cafés, le cinéma Rex ou le cinéma Labouze, le photographe, l’horloger, le tailleur, la quincaillerie, le cordonnier, mon père, le bazar des souvenirs qui vendait aussi le tabac ; la rue Boudhar qui débouche en plein milieu de la grande rue et nous nous retrouvions à la boulangerie très connue de Requéna, dont le nom est perpétué jusqu’à nos jours puis la rue de la Révolution, ex. rue Clauzel et la ruelle parallèle à la rue de la République, la rue des gargotiers, débouchant à la librairie qui livrait aussi la presse nationale et étrangère, les illustrés, Blek, le roc, Zembla, Akim, Kiwi … plus tard, nous nous intéressions aux romans policiers, des polars de San Antonio à James Hadley Chase en passant par Coplan FX 18 et j’en passe, il y avait aussi le coiffeur puis dans le même sens, à gauche, à la jonction, un beau magasin d’habillement de confection, celui de Monsieur Arezki, fermé depuis déjà fort longtemps, mon père m’en avait acheté mon premier pantalon tergal, à la mode de l’époque, pour entrer au Lycée puis un cul de sac, la rue Sidi Ykhlef Ahmed , ex. rue Pélissier , du nom de ce lieutenant-colonel, de sinistre mémoire, qui mène à la médersa et au cinéma Lux de Bekhchi, débouchant à l’immeuble des Ouled Errebi.
En remontant la Rue de la République, un ancien magasin de chaussures à l’enseigne au Pied Mignon devenu, pendant un temps, la pharmacie de la fille du Caïd d’Ain-Tolba, ex. Guiard, mais la plus ancienne appartenant déjà à Rahal Djaâfar.
Plus haut, des escaliers, à partir du café terrasse, pour accéder à la rue du 1er Novembre, ex. Rue Chanzy, la Maison des Jeunes et de la Culture et au cinéma plein air, nous redescendons pour retrouver notre grande rue, et ses brasseries avec terrasse, des fabricants de glaces et de limonade, du «Gazouz» comme nous l’appelions. Encore des boutiques, pièces détachées et articles de pêche …
En parvenant au milieu de la grande rue, c’est l’ascension vers le haut de la ville, en passant par le cabinet du Docteur Rahal Khellil, prendre des escaliers pour repasser par le petit stade ou continuer jusqu’au bout de la rue …
La rue de la République, à son plus haut point, arrivait à une voie qui passait au dos de la Sous-préfecture et partait, à droite, la Rue Si Merbah, un passage bordé de palmiers menant à l’ancienne infirmerie de la mine, construite à l’origine par la compagnie minière pour soigner son personnel mais, en fait, elle jouait le rôle d’infirmerie mais aussi de cabinet médical, puisqu’elle accueillait tous les citoyens. Beaucoup de médecins sont passés par là et non des moindres, très compétents avec un personnel discret mais efficace.
Nous revenons jusqu’au Collège El Imam Abou Hamed El Ghazali, ex. Pierre Brossolette, pour remonter à partir de l’angle avec la rue des écoles, le boulevard Mohamed Larbi Ben M’Hidi en laissant derrière nous , la majestueuse Salle des fêtes communale, qui avait fait la joie et le bonheur des béni-safiennes et des béni-safiens, lorsqu’on donnait le temps au temps, cette salle qui a vu passer de grands ténors de la comédie algérienne à l’exemple de Bencheikh Hassen, Hassen El Hassani, dit Boubegra, des chanteurs , Rabah Driassa, Smaïl Ahmed et bien d’autres sans oublier nos concitoyens, nos artistes Abdallah Amrani et Houari Sahraoui avec son gamil wa asmar (arrêtez moi, si je divague), moi-même et mes camarades, j’y ai fait de la comédie, alors encore collégien, ce monument de la culture qui dépérit sous notre regard, d’année en année, où débutait la rue Emir Abdelkader, ex. Rue Bugeaud et où ont été construit les premiers corons de la mine, et le quartier de Sidi Boucif …
Le Boulevard Mohamed Larbi Ben M’Hidi était, dans le temps, bordé de hauts platanes sur les deux côtés … Après la mosquée que beaucoup continue à l’appeler l’Eglise, le boulevard menant au quartier du filtre que les colons appelaient, le boulevard des bons camarades, longés aussi d’arbres et de maisons et quelques demeures … Je suis fatigué, j’ai beaucoup marché, j’ai beaucoup parlé, j’ai beaucoup réfléchi, pour ne rien dire, pour ne rien faire, je rentre chez moi …
En relisant tout cela, je ressens beaucoup de nostalgie...
Ecrit le 23 déc. 2015 20:53

La ville oubliée ...

Béni-Saf est une petite ville qui rétrécit au fil des ans, à mesure qu’on s’en éloigne comme le chalutier qui s’éloigne à l’horizon …
Béni-Saf est une petite ville qui se morfond dans les méandres de l’Histoire. C’est une blessure de l’Histoire … un passé historique célèbre et légendaire …
Son élite intellectuelle formée de ses enfants ayant accompli leurs premiers pas d’écoliers, ici même, dans cette cité séculaire, dans des écoles aussi célèbres en leur temps où ils ont vécus leurs rêves d'enfants, leurs idéaux d'adolescents, leurs amitiés, leurs convictions, leurs succès, des génies ou des virtuoses, des enfants éduqués dans des familles modestes ou riches, … ne sont pas là, ne sont plus là … où sont-ils ? – me dites-vous !
Aussi loin que remonte mes souvenirs, les béni-safiens de souche n’arrivaient jamais à vivre en dehors de leur famille, de leur rue ou leur quartier, ils avaient un sentiment d’appartenance à cette ville ...
Une ville natale, c’est comme une mère, elle ne se remplace jamais … Qui a le pouvoir de séparer une mère de ses enfants ?
...
Ils se sont placés à un rang quelconque, sans importance, marginalisés ou mis dans des positions inconvenantes et inconcevables, très rarement consultés, ce qui leur a valu une traversée outre-mer à la recherche d’un avenir ailleurs, sous d’autres cieux plus cléments : eux ou elles qui représentaient la future élite de la ville et l’espoir du renouveau, l’alternance et l’alternative. Ils ont laissé un vide favorable à l’immobilisme, au désordre et à la confusion, à la persistance de l’opportunisme dans la durée : ils ne se sont jamais retournés.
La ville qui a été le havre du rural pour un temps n’arrive plus à assurer une cohésion sociale ni jouer son rôle de lieu de rencontre et d’échanges.
Face à un déficit en communication, nos élites effacés de la scène politique et même culturelle locale nous donnent le sentiment que nous reculons tant leur absence se fait horriblement sentir. L’écart qui apparaît de plus en plus grand nous fait tomber au plus bas.
Ce sont aussi les machinations cyniques de personnages d’un passé récent et d’aujourd’hui qui ont cherché et cherchent encore à désunir la société, ce sont les opportunistes qui apparaissent selon l’intérêt du moment, ou à renverser les situations dans le mauvais sens, ou encore à falsifier l’histoire de cette ville …
Mais dans une société où les protagonistes du mouvement associatif ne semblent pas jouir d’une personnalité, il ne peut y avoir une société civile digne de ce nom.
Quand je navigue sur la toile pour m’informer ou pour tuer le temps, notre intelligentsia nous regarde à la jumelle de Bruxelles, Londres, Paris, Montréal ou Québec, ou quelque part en Amérique et s’embarrasse dans un débat timide ou pudique et réservé, souvent justifié mais pour nous qui sommes là, injustifiable.
Les opportunistes, quant à eux, s’adaptent bien à la situation et survivent dans un territoire qu’ils ont tracé, limité, il y a bien longtemps …
Mais qui en parle de cette ville ? À qui en parler ?
En ces temps de l’incertitude, nos édiles, enrichis et peu crédibles aux yeux de tous, le regard haut et fier, alimentent encore la médiocrité et l’échec.
« Lorsque le soleil se lève à Béni-Saf l’on ne peut que se sentir égaré dans les sentiers perdus de l’Histoire. »
Je ne cesserai d’appeler de toutes mes forces notre élite intellectuelle d’ici ou d’ailleurs à essayer de restituer, à défaut de pouvoir le faire, valoriser à sa juste mesure ce qui reste à préserver …
Les catastrophes n’arrivent pas qu’aux autres !


Béni-Saf, entre le hasard et l’Histoire ...


La petite mer brille aux reflets du soleil brûlant de septembre du haut du promontoire de Sidi Mohamed qui la surplombe et la surveille, des mouettes blanches et cendrées survolent le ciel, au loin l'île rugueuse, immortelle sentinelle, bercée par les eaux de la méditerranée provoquant, entre les récifs, des petites vagues qui s’entrelacent et s’étreignent. 
N'est-ce pas qu'elle est belle ma ville qui, au fil des ans, malgré les intrusions et les incompréhensions, elle raconte et témoigne encore.
La côte bénisafienne évoque des parties de pêche et le gout salé du poisson mais nous renseigne aussi sur l'histoire de ce littoral écrite sur tous les temps et tous les tons, une histoire séculaire secouée par la conquête française. 
En 1837, un ingénieur de la marine française propose l’installation d’un mouillage d’été dans la baie de la Tafna, une plage de débarquement, propice au petit cabotage.[1] Une seconde fois, en 1850, un géographe français, débarque, apprend et note l’existence de mines exploitées depuis l’Antiquité.
Vers 1860, apparaissaient quelques européens arrivant d’Espagne, soit directement après une traversée hasardeuse, soit d’Oran, longtemps occupée par les Espagnols ; des espagnols fuyant leur pays, furent dirigés sur Béni-Saf où ils se fixèrent. De la Numancia à Béni-Saf, combien d’itinéraires ont-ils entrecroisés ?
Ils s’installeront, d’abord, sur la vallée de Sidi-Boucif dans les fameuses "cuevas", des grottes composées de plusieurs chambres en enfilade, donnant sur la mer. Ils ont marqué, au fil des années, cette contrée de leur empreinte.
Mais le cri de liberté se répandit dans les coins les plus éloignés du pays et Béni-Saf, reconnue comme l’avant-garde des partisans de l’autonomie et de l’indépendance, connut des événements mémorables mêlés à ce long combat que l’Histoire retiendra …
Sidi-Boucif, Sidi -Brik, Sidi-Bouhmidi, Sidi-Mehdi, mystiques vénérés, et tous les saints patrons, hommes de foi qui sont passés par cette ville, en sont les témoins silencieux.
La nouvelle de l’indépendance fut accueillie dans une joie fabuleuse contenue par le souvenir pénible et malheureux de tous les martyrs qui accomplirent l’une des œuvres divines les plus sacrées que Dieu encourage et bénit.
Béni-Saf, aujourd’hui, s’est assoupie en un sommeil pesant. Car ici, depuis longtemps, la rue n’a plus repris les bruits, les odeurs et les saveurs d’antan. Le sourire est présent mais triste et tous ceux qui y sont attachés plus que jamais sont découragés ; ils durent se plier à la médiocrité.
Béni-Saf, de ton Histoire et de la tombe où tu es ensevelie, de tes tourments et tes bonheurs passés, conserve ta mémoire !

[1] Association des Béni-Safiens, l’Album de Béni-Saf, 1988, Paris, France

écrit le lundi 9 novembre 2015 à 12:30 

jeudi 23 juin 2016

Béni-Saf, terre des hommes


Plusieurs personnages, mentionnés ici et là, ont exercé une influence considérable sur la vie et l’histoire de cette ville depuis sa création au début du 19ème siècle. Leur auréole, non comme personnalités publiques connues ou inconnues, célèbres ou anonymes mais résulte d’un ordre à la fois moral, intellectuel, culturel ou éducatif. 

Ils étaient et certains le sont encore syndicalistes, sportifs célèbres, professeurs, comédiens, poètes et humoristes, artistes musiciens et chanteurs, militants politiques, médecins, journalistes, experts, auteurs et écrivains, enseignants ou instituteurs, élus locaux, détenus politiques au temps douloureux de la colonie française, docteurs et consultants internationaux, cadres de la Nation, ou simplement commerçants ou entrepreneurs, dont certains ont joué un grand rôle dans le rapprochement des Béni-Safiens des deux côtés de la Méditerranée et partageaient peut-être les mêmes desseins , réellement ou virtuellement et leurs témoignages ou leurs pensées étaient probablement empreintes d’une sorte d’attachement à une même histoire , aux mêmes souvenirs, à la même culture et la même éducation car étant natif de la même ville et ayant généralement fréquenté les mêmes bancs de l’école qui les a vue naitre et grandir. 

Cette proximité historique sert de ferment à une connivence spontanée qui rejoint certainement leurs convictions personnelles attachées à ce joli petit coin d’Afrique et son histoire passée et présente. 

Si je les évoque aujourd’hui, ce n’est certainement pas pour vanter les prouesses ou les exploits des uns et des autres, mais qu’à certains moments de la vie, il était pour ainsi dire impossible de se remémorer le passé de Béni-Saf et son petit monde sans que les anciens ne s’en souviennent, admiratifs et passionnés, mais souvent agacés et exaspérés, de cette belle époque et ses gens, qui demeure omniprésente dans les esprits, alors même que plusieurs d’entre eux ont disparu ou se sont retirés … 

Des souvenirs marquants …