En arrivant de Tlemcen par le car, passant par Hennaya, Ain-Youcef et Remchi et en pénétrant par une route zigzagante, du haut du domaine agricole d’El Bradj, jusqu’au panneau qui indique l’entrée de la ville nous amorçons une descente qui nous mène à la plage du Puits puis au port et, le regard du voyageur se porte déjà sur cette forme qu’a prise la ville, résultat d’une loi architecturale, à la fois volontariste et spontanée, dont le plan adopté devait ressembler, à peine, à celui d’une petite ville minière du nord de la France ou village balnéaire de la Costa Brava, je pense à Lloret de Mar.
Puis le terminus à la place du marché-couvert, sur lequel trônait un couple de cigognes, au cœur de la ville, longée par la rue Kadri Kaddour, ex. Jean Jaurès, qui remonte jusqu’à la partie haute de la ville. Lorsque les cigognes survolaient la ville, c’était déjà le printemps avec le retour des hirondelles, ces oiseaux migrateurs qui installaient leurs nids près des habitations et sur les toits. Ils symbolisaient traditionnellement l'arrivée de cette belle saison.
Sur le côté, le bureau des cars Ruffié compagnie de transports connue, ou TRCFA, qui brillaient par leur professionnalisme avéré, toute une époque révolue, aujourd’hui, avec la vague des nouveaux moyens de transport, l’entrée du car avait une allure de fête à l'arrivée des passagers venant d'Oran, de Tlemcen et des villages avoisinant. En face se trouvait la Poste, une belle bâtisse mitoyenne au jardin public, garni de magnifiques massifs fleuris, qui faisait l’admiration de la ville et, en se baladant dans les environs, les cafés maures sentaient le thé et le café fort et parfumé.
Toutes les rues, en demi-cercles, bordées des deux côtés de bigaradiers, une espèce d'arbres qui porte un fruit, la bigarade ou l’orange de Séville, ou de ficus, arbres d'origine tropicale, se relient entre elles par des longs escaliers.
De la place du Marché, nous pouvons admirer ce qui faisait la fierté touristique de notre pauvre ville, les hôtels et les restaurants, le Robert ou en remontant la rue de la Paix, le Grand Hôtel ou le Nautic bar et le Jeanne d’Arc pour se retrouver en face du monument aux morts ou la stèle du soldat inconnu érigé à la mémoire des combattants de la guerre 14/18 « Mort pour la France » dont, certainement, des algériens ... Je vous parle d’un temps où seuls les gens d’un certain âge pourront connaitre et comprendre.
Puis, généralement, nous grimpons les escaliers Karl Marx et finissons à la rue de la République, nos Champs Elysées, cela correspondait aux balades interminables où les jeunes et moins jeunes arpentaient, tous les soirs, ou plus exactement faisaient le boulevard. C’était la rue principale où des deux côtés, s’y trouvaient des magasins, des cafés, le cinéma Rex ou le cinéma Labouze, le photographe, l’horloger, le tailleur, la quincaillerie, le cordonnier, mon père, le bazar des souvenirs qui vendait aussi le tabac ; la rue Boudhar qui débouche en plein milieu de la grande rue et nous nous retrouvions à la boulangerie très connue de Requéna, dont le nom est perpétué jusqu’à nos jours puis la rue de la Révolution, ex. rue Clauzel et la ruelle parallèle à la rue de la République, la rue des gargotiers, débouchant à la librairie qui livrait aussi la presse nationale et étrangère, les illustrés, Blek, le roc, Zembla, Akim, Kiwi … plus tard, nous nous intéressions aux romans policiers, des polars de San Antonio à James Hadley Chase en passant par Coplan FX 18 et j’en passe, il y avait aussi le coiffeur puis dans le même sens, à gauche, à la jonction, un beau magasin d’habillement de confection, celui de Monsieur Arezki, fermé depuis déjà fort longtemps, mon père m’en avait acheté mon premier pantalon tergal, à la mode de l’époque, pour entrer au Lycée puis un cul de sac, la rue Sidi Ykhlef Ahmed , ex. rue Pélissier , du nom de ce lieutenant-colonel, de sinistre mémoire, qui mène à la médersa et au cinéma Lux de Bekhchi, débouchant à l’immeuble des Ouled Errebi.
En remontant la Rue de la République, un ancien magasin de chaussures à l’enseigne au Pied Mignon devenu, pendant un temps, la pharmacie de la fille du Caïd d’Ain-Tolba, ex. Guiard, mais la plus ancienne appartenant déjà à Rahal Djaâfar.
Plus haut, des escaliers, à partir du café terrasse, pour accéder à la rue du 1er Novembre, ex. Rue Chanzy, la Maison des Jeunes et de la Culture et au cinéma plein air, nous redescendons pour retrouver notre grande rue, et ses brasseries avec terrasse, des fabricants de glaces et de limonade, du «Gazouz» comme nous l’appelions. Encore des boutiques, pièces détachées et articles de pêche …
En parvenant au milieu de la grande rue, c’est l’ascension vers le haut de la ville, en passant par le cabinet du Docteur Rahal Khellil, prendre des escaliers pour repasser par le petit stade ou continuer jusqu’au bout de la rue …
La rue de la République, à son plus haut point, arrivait à une voie qui passait au dos de la Sous-préfecture et partait, à droite, la Rue Si Merbah, un passage bordé de palmiers menant à l’ancienne infirmerie de la mine, construite à l’origine par la compagnie minière pour soigner son personnel mais, en fait, elle jouait le rôle d’infirmerie mais aussi de cabinet médical, puisqu’elle accueillait tous les citoyens. Beaucoup de médecins sont passés par là et non des moindres, très compétents avec un personnel discret mais efficace.
Nous revenons jusqu’au Collège El Imam Abou Hamed El Ghazali, ex. Pierre Brossolette, pour remonter à partir de l’angle avec la rue des écoles, le boulevard Mohamed Larbi Ben M’Hidi en laissant derrière nous , la majestueuse Salle des fêtes communale, qui avait fait la joie et le bonheur des béni-safiennes et des béni-safiens, lorsqu’on donnait le temps au temps, cette salle qui a vu passer de grands ténors de la comédie algérienne à l’exemple de Bencheikh Hassen, Hassen El Hassani, dit Boubegra, des chanteurs , Rabah Driassa, Smaïl Ahmed et bien d’autres sans oublier nos concitoyens, nos artistes Abdallah Amrani et Houari Sahraoui avec son gamil wa asmar (arrêtez moi, si je divague), moi-même et mes camarades, j’y ai fait de la comédie, alors encore collégien, ce monument de la culture qui dépérit sous notre regard, d’année en année, où débutait la rue Emir Abdelkader, ex. Rue Bugeaud et où ont été construit les premiers corons de la mine, et le quartier de Sidi Boucif …
Le Boulevard Mohamed Larbi Ben M’Hidi était, dans le temps, bordé de hauts platanes sur les deux côtés … Après la mosquée que beaucoup continue à l’appeler l’Eglise, le boulevard menant au quartier du filtre que les colons appelaient, le boulevard des bons camarades, longés aussi d’arbres et de maisons et quelques demeures … Je suis fatigué, j’ai beaucoup marché, j’ai beaucoup parlé, j’ai beaucoup réfléchi, pour ne rien dire, pour ne rien faire, je rentre chez moi …
En relisant tout cela, je ressens beaucoup de nostalgie...
Ecrit le 23 déc. 2015 20:53
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Pour publier votre commentaire :
1) Ecrivez votre texte dans le formulaire de saisie ci-dessus ;
2) Cliquer sur Publier enfin.
Le message sera publié après modération.
Voilà : c'est fait.
Et un gros MERCI !!!!