lundi 12 janvier 2015

Il était une fois Béni-Saf (3)

Jean Sénac
Béni-Saf, c’était la cité de Jean Sénac, le poète et l’enfant de Ghar-El-Baroud ...
Béni-Saf, c’était aussi the old Béni-Khaled, au fin fond des temps, un village, pâté de masures, noyé au milieu de jardins sauvages, et des figuiers et figues de barbarie, les amandiers, les caroubiers, et le "M’guil Lebgar", la sieste des vaches,
Béni-Saf, c’était la source du figuier ou la Fuente de la higuera, fontaine d'eau douce, qui, jadis, apaisaient,dans le creux de la main , la soif des passants, les bergers et les troupeaux qui passaient par son chemin, que certains auteurs nostalgiques mal informés le transcrivent faussement : fontaguera ou fantaguera,


Béni-Saf, c’était la capitale algérienne de la pêche et du fer, qui a contribué au développement économique du pays , premier port de pêche d’ Algérie et l’un des grands points de production et d’exportation de fer,Béni-Saf était le carrefour commercial de la région ...

vendredi 9 janvier 2015

Il était une fois Béni-Saf (2)

De l’Émir Abd El Kader au Traité de la Tafna, les premiers habitants sont arrivés vers 1870 à Béni-Saf, des mineurs, des agriculteurs et des pêcheurs, surtout,
Béni-Saf, c’était les Ouled Bouhmidi, Mersat si Ahmed, ou encore les Béni-Fouzech, formés des Bekhiche et les Benkriche (diminutif probable des Béni Koreich) Brahim, Boukada, Merhane, Zahaf, les Béni-Riman surnommé Ouled Benyetto formés par les Rimani, Ansri, ...etc.,
Béni-Saf, c’était la ville d’adoption de ces descendants d’anciens émigrés espagnols fuyant la misère de l’Espagne… n’ayant dans les veines que du sang andalou castillan ou catalan auxquels se mêlaient plus ou moins autant de musulmans,
Béni-Saf, c’était les hommes de foi, les saints patrons de la ville : Sidi-Boucif, d’un père cadi pendant la période turque, Sidi-Brik, d’origine soudanaise, Sidi-Bouhmidi, père de Mohamed Bouhmidi, Khalifa de l’Émir Abdelkader et Sidi-Mehdi, Sidi- Mohamed, Sidi-El-Mekhfi, et bien d’autres encore,
Béni-Saf, c’était les fêtes annuelles organisées à leurs mémoires, c’était les fêtes des grandes rencontres, des rencontres familiales, amicales, les fêtes de la réconciliation,
Béni-Saf, c’était Ghar el Baroud et sa mosquée, accrochée à la première pente de Skouna, construite par les marocains venus du Tafilalet, des Béni Znassen, du Sous et du Rif,
Ghar-El-Baroud était ce que Tagrart ou Agadir était à Tlemcen,


Il était une fois Béni-Saf (1)

Béni-Saf vieillit.
Béni-Saf c’était … 
Généralement suivis d'un nom, d'un adjectif ou d'un pronom, se conjuguent à la troisième personne …
C’est dans ce qu’elle a été, — ce qu’elle est, — ce qu’elle doit être, que nous devons de voir clair dans le passé si intéressant de cette ville.
Dans le même fil de la pensée, nous avons tellement fait des éloges sur un passé douloureux, pour l’Histoire du pays, de cette ville entièrement coloniale, puisqu’elle n’existait pas, créée par décret colonial, qui en dit long sur sa naissance.
Interroger l’Histoire, elle vous le dira …
Béni-Saf, c’était une façade sans fenêtre, quand elle n’existait pas encore,
C’était Rachgoun, Sidi-Boucif, Tafna, … des noms qui évoquent l’Histoire du passé … mais ce sont aussi des lieux qui racontent l’histoire de cette côte qui a vu arriver et passer , depuis les périodes les plus éloignées, , siècle après siècle, les Phéniciens, les Carthaginois, les Romains, les Vandales qui ravagèrent tout en 428, les Byzantins, les Arabes, les Turcs, les Portugais, les Espagnols et les Français,
De la préhistoire à Siga, Cité numide puis romaine à la conquête arabe, les Idrissides construisirent une nouvelle cité sur les ruines romaines, l’Archgoul, cité par les historiens comme une ville importante, connu beaucoup plus sous le nom d’Archgoul,
Béni-Saf, c’est la rugueuse île de Rachgoun, comptoir punique immortelle sentinelle, bercée par les eaux de la méditerranée,
Béni-Saf, ce sont les hautes falaises rudes et rocheuses, les caps et promontoires, les criques et les plages de sable fin, 
Béni-Saf, c’était Madrid, du mot arabe Mayrit qui veut dire source ou chenal canal détroit aqueduc, lit de rivière …
Béni-Saf, témoin fidèle pendant plus d’un siècle et demi d’existence depuis sa création ...

Voyage dans le temps

Il m'arrive souvent de flotter dans l'espace et dans le temps, dans la fugacité et la légèreté de l'instant et de retrouver, dans une vague de tendresse nostalgique, mon enfance sur cette terre de soleil.
À travers ma mémoire, je réveille le souvenir dormant au plus profond de moi-même et pars en voyage et m'envole.
Béni-Saf ce sont ces escaliers légendaires, ce boulevard des écoles menant à la forêt de Dar Rih, que mes camarades et moi fréquentions, c'est aussi le jardin de la mairie, autrefois, vaste espace floral, aujourd'hui abandonné, que les enfants traversaient en courant pour arriver plus vite à la Plage du puits.
En escaladant les escaliers infinis, et après avoir poussé un soupir de satisfaction, je parviens enfin au sommet de la ville.
Un léger vent soufflant de la petite mer rafraîchit mon front couvert de sueur. Respirant bien à fond, je continue lorsque j'atteins la rue, je lève la tête. J'arrive dans la Cité des Jardins.
C'est dans ces vergers débordants de fleurs et d'arbres fruitiers que j'ai passé une grande partie de mon enfance …

Souvenirs d'un temps

Beaucoup a été dit à propos de l’histoire séculaire de cette ville méditerranéenne, ou presque tout : le village puis la ville, son architecture et ses escaliers légendaires, ses rues, ses gens, la mairie et son carillon, un vrai little « Big Ben », ses jardins, véritables réserves florales, les pêcheurs et la mer, ses plages de sable fin, son aquarium, haut lieu de la biologie marine, motif de fierté locale, la mine, el coubanya, et les mineurs ... 
Nous savons tous que la vie dans cette ville n’était pas aussi simple, et pour gagner sa vie, il fallait travailler dur, il fallait combattre, résister.

Je ne fais pas l’éloge de cette ville et son petit monde, mais je tiens à rendre grâce à ceux qui ont travaillé et tenaient à faire d’un petit village, une ville agréable.
Chacun sait combien les béni-safiennes et les béni-safiens étaient attachés à leur ville et dans un passé récent ils ne pouvaient pas vivre en dehors de leur ciel.
Nombreux sont les habitants de cette ville qui ne sont plus de ce monde, qui ont vécu des moments difficiles et pénibles, et parfois, ils ont ressenti des doutes et de l’incertitude ; à d'autres moments, ils se sont posés beaucoup de questions, mais ils ont aussi vécu des instants de joie et de bonheur.
Il ne reste que le bon souvenir …

Journal des voyages - 1875

Béni-Saf, au début de la création, J. Geiser, 1890

« Nous partons de bonne heure pour Béni-Saf. 
Le pays n'a rien d'intéressant ; un sentier, à peine tracé à travers les broussailles, nous conduit en trente minutes de l'autre côté des collines qui bornent la vue au nord, et nous arrivons sur le chemin de fer des mines et sur quelques chantiers d'abattage de minerai, qui nous révèlent le voisinage de Béni-Saf.
De tous côtés nos regards sont frappés de l'activité que l'exploitation a amenée dans cette vallée. Des Espagnols poussent devant eux de grands ânes, gris fer de par la nature, mais rouges de par leur travail ; le minerai les a rouillés. Des wagons tirés par des chevaux roulent sur la voie que nous franchissons et, après avoir suivi une vallée étroite, au bout de dix minutes, nous arrivons en vue de Béni-Saf.
Le village, en admettant que cinq ou six maisons, quelques huttes, quelques gourbis, quelques grottes, constituent un village, est situé dans une gorge que termine brusquement une plage sableuse battue par les flots.
Cette plage a cent cinquante mètres de développement environ ; les maisons, les huttes, les gourbis, sont échelonnés sur le revers des montagnes et s'étendent jusqu'au fond du ravin. Ce ne sont que les établissements provisoires de la Compagnie.
De l'autre côté de la montagne, à l'Ouest, un chemin taillé dans le roc, qui forme corniche le long de la mer, nous conduit au port ou Mersat-Si-Ahmed, où se trouvera le centre d'exploitation et où l'on construit en ce moment un port qui sera relié un jour au chemin de fer projeté de Tlemcen à Rachgoun. »
Le Tour du monde : nouveau journal des voyages 1875

Au delà du souvenir

Ecrire c’est voyager dans le temps, à travers ses souvenirs, goûter aux délices purs du côté sombre de l'écriture, pour ne pas oublier, garder le goût et l'odeur des images d'antan …
Un peu comme jeter une bouteille à la mer, avec une pensée que d'autres sauront en saisir la portée ...
En écrivant, l’homme erre dans l'espace et dans le temps en quête d’un monde, entre le rêve et la réalité dans la grande ivresse de l'imagination. Il parlera de son pays natal, sa région, sa ville ou du village qu'il habite, il abordera les souvenirs enfouis, sa nostalgie du temps passé, des odeurs et des parfums d’autrefois, plus loin encore, son espérance.
La terre où l'on est né, ne peut s'oublier. Jamais.
Béni-Saf, Boulevard de la Plage du Puits
Béni-Saf, pour moi, est une suite de moments de bonheur mais aussi d’incertitude, de désillusion et de survivance. C’est devenu une blessure de la mémoire.
Là-bas, c’était un joli coin de terre d’Afrique, la mer Méditerranée, là où j’ai vu le jour, une contrée que j’ai tant aimée, autrefois, si belle et qui m’émeut encore, et pour toujours je crois.
J’ai aimé à la fois sa beauté, son charme et l’originalité de ce lieu chanté par les poètes qui se confond à un monde où se mêle le rythme des temps forts, comme les rides de mon front, à sa tranquillité qui frémit aux caresses ferventes de la fraicheur de la brise qui réchauffe les cœurs.
Tout cela c’est le passé… un passé qui m’attendrit et me bouleverse en même temps.
Et je cherche encore dans les vieux sentiers de ces paysages qui n'existent plus, et que le passé ne reviendra jamais plus.
Le passé restera le passé …